Planète-Douance

Mise en ligne de la suite du livre Feu du Ciel sur le site de Redstone Duke

Pour répondre favorablement à la demande d’une certaine « Manon », et afin d’agrémenter le confinement sanitaire, David William Duke, ce soir, mettra en ligne la suite du premier volet de la saga Redstone Duke.

 

D. F. Von THORFELD

REDSTONE DUKE

Feu du ciel

Prologue

Pourquoi suis-je ainsi ? Fragile d’apparence et forte de mes choix…

À quoi me sert-il de vivre, si tous les êtres chers à mon cœur disparaissent.

Les taoïstes disent, que l’être libéré du fardeau de la vie est celui qui chevauche son dragon.

Il fallait que je devienne maitresse de mon destin.

À ce moment de ma jeune vie, après la disparition de ma mère, je pleurais celle de mon père tout en me préparant à accueillir ma fin.

Fin d’un espoir

L’ombre se déplaçait silencieusement. Elle s’approcha du meuble en verre, seule source de lumière du laboratoire.

Elle fit attention en ouvrant la porte. Le froid qui en sortait était intense. Elle échangea un petit flacon de liquide vert étiqueté « Espoir », par un autre en tout point similaire.

Quelques instants plus tard, sans que rien ne témoigne de son passage, elle s’évanouit dans le noir.

Ce matin-là, j’arrivai tôt. J’avais en main un injecteur, un garrot et un antiseptique local.

J’étais déterminée en m’approchant de l’armoire réfrigérée. À travers la vitre j’observai « Espoir ». Après un instant d’hésitation, je me décidai à le prendre.

Je déposai tout sur une des paillasses du laboratoire. J’insérai le flacon dans l’injecteur puis remontai ma manche. Je disposai un lacet élastique au-dessus de mon coude, tapotai ma fosse cubitale et désinfectai ma peau. Je propulsai d’un trait le liquide vert dans la veine saillante de mon bras.

Le Feu

Arrivée à Redstone Duke

Il était vingt et une heures trente. Une heure auparavant je quittai le tarmac de l’aéroport Suisse de la ville de Sion. Quelques minutes plus tôt, sur le quai de départ, je prenais congé de Vince, mon garde du corps.

Le train magnétique de l’école sustentait sans bruit sur son rail. Comme un météore, au cœur des Alpes Suisses, il filait sous la roche en direction des Diablerets. J’en étais la seule passagère.

Je regardais mon reflet dans une vitre. Je constatais une fois de plus, que je n’arrivais pas à m’identifier à la toute jeune femme que j’étais devenue.

Il n’était que quatorze heures trente à Chicago. Je ne me souciais pas du décalage horaire, malgré cela, j’aurai sans doute du mal à m’endormir cette nuit.

Les cours de Redstone Duke avaient débutés sans moi en octobre. Il ne restait plus qu’une dizaine de jours avant la fin de cette année 2033. Particulièrement froide et neigeuse, elle soulignait la petite aire glacière, qui sévissait sur les pays de l’hémisphère nord depuis quelques années.

Je consultai ma température. Le terminal entourant mon poignet indiquait trente-neuf degrés huit.

Je n’en avais plus pour très longtemps. Une année tout au plus, avec en bonus, de la souffrance dans les derniers moments de ma vie.

Je ne regrettais rien. J’avais fini par accepter les conséquences qu’entraînait mon échec. J’assumais pleinement ce qui allait être le point final de ma vie. Je le voyais comme le legs de mes erreurs, à celles et ceux qui voudraient poursuivre mes recherches.

Mourir dans l’année de mes dix-huit ans… De mon point de vue, ce n’était pas si mal. Je n’aimais pas ce monde et n’avais aucun ami. Personne ne me regretterait.

Je ne croyais pas en l’amour. À bien y réfléchir, je ne me souvenais pas y avoir cru un jour. Du haut de mes dix-sept ans je ne l’avais jamais rencontré. Pas de déchirement, pas de pleurs, pas de peine pour celui qui aurait pu m’aimer. Mon raisonnement d’adolescente atypique, m’avait amené à conclure que c’était une fin idéale.

Le tunnel semblait interminable. Au travers de la vitre j’en fixais la noirceur.

Je ressentais méthodiquement toutes les secondes qui s’écoulaient. Ma respiration ponctuait mes pensées, ni tristes, ni heureuses. J’éprouvais une familière sensation de solitude. Elle me tenait de nouveau compagnie dans l’espace sans vie de ce voyage sous terre.

Redstone Duke à moins d’une minute, notai-je.

Un éclat blanc de lumière me fit cligner des yeux. Sans que rien ne l’annonce, mon train s’engouffra dans une immense grotte. Je découvris enfin le grand pan de roches alpines tapissé de cristaux rougeoyants.

Quelques secondes plus tard je ressentis la décélération. Elle marquait mon arrivée dans cette nouvelle école pour surdoués.

« Aria Spacel, votre train sera bientôt à quai, » annonça une voix féminine.

La rame s’immobilisa sans bruit. Une douce lumière éclairait l’immense hall taillé dans la pierre.

« Je suis à votre service si vous désirez être guidée. Bienvenue au sein de l’école internationale Redstone Duke. »

Je saisis mon volumineux bagage, en toile de marine épaisse couleur bleu océane, et me dirigeais vers la porte du compartiment qui terminait de s’ouvrir. Finalement, je foulais les dalles en marbre multicolore de ce vaste terminal souterrain.

Il faisait froid. Le faible écho de mes pas révélait ma complète solitude.

« Nous vous prions de suivre l’holo-trace verte qui se dessine au sol. Elle va vous conduire aux ascenseurs de surface. »

Encore cette voix féminine qui résonnait sous l’immense voute minérale.

Je portai mon regard alentour. Rien ne fut en mesure de retenir mon attention.

Je me mis en route, suivant l’holo-marque. Dérisoire ligne de vie, pensai-je.

J’entrai dans le plus proche des cinq grands ascenseurs. L’école se trouvait un kilomètre au dessus de moi.

Je m’adossai à la paroi de métal, laissant doucement glisser de mon épaule la courroie de mon bagage.

Une double porte en verre arrondie se referma, suivie d’un chuintement de pressurisation. La cabine commença son ascension rapide. Cinquante secondes plus tard j’arrivai dans une grande salle de routage.

À cet instant, je savais que j’allais rencontrer pour ma première fois un bio-artificiel humanoïde.

Au travers de la porte de verre qui s’ouvrait doucement, je vis six larges couloirs obscurs irradier en étoile. Je chargeai mon sac et traçai ma route, espérant ne pas le croiser.

Puéril de ma part ! Pensai-je. Ils étaient tous connectés au réseau global de l’école. La machine avait certainement été activée à l’instant de mon arrivée.

Ici il faisait chaud, les couleurs étaient agréables. Le sol ne produisait plus d’écho sous mes pas. L’endroit sentait le neuf.

Je m’attardai sur la signalétique. Tour D.W.Duke… Grand lac… Bois vert… Pôle scientifique… Complexe sportif… Locaux techniques.

« Bonsoir Aria Spacel, puis-je vous aider ? »

La… Chose, venait d’apparaitre du couloir menant à la Tour Duke. Elle avait une voix douce à l’accent indéfinissable. Un mètre soixante-quinze, ma taille, gracieuse dans sa démarche. Un visage absolument parfait encadré par de courts cheveux argentés, de grands yeux mauves. Elle portait une combinaison diaphane qui révélait en murmure des proportions menues mais très féminines.

« Je suppose que vous désirez au plus vite rejoindre votre logement ? Avez-vous fait bon voyage ? »

Elle affichait un sourire impeccable. Ses yeux francs me regardaient.

L’espace d’une seconde, j’évaluai l’intérêt de répondre à cette machine. Après tout pourquoi le ferais-je ? Juste une perte de temps, conclus-je. Je lui tournai le dos.

Je choisis d’emprunter le couloir menant au Bois vert. Autant commencer par ce que j’aimais le plus.

J’entendis ses pas me suivre quelques instants, puis, de nouveau le silence.

Des lumières cristallines s’allumaient devant moi pour s’éteindre après mon passage. J’ajustai mes écouteurs et lançai ma playlist. « Mad World » envahit ma tête.

La musique me permettait de me raccrocher à la vie. Grâce à elle, je parvenais à ressentir des émotions. Elles me différenciaient des artificiels, pensai-je. Pour combien de temps encore ?

Quelques minutes s’étaient écoulées quand j’atteins le fond du corridor.

Un nouvel ascenseur. Ses larges portes de verre, s’ouvrirent en silence dès que j’en fus à quelques mètres. Je m’y engouffrai, déposant une nouvelle fois mon sac de marine au sol.

Je fis face au long couloir redevenu sombre. Vers le fond, je crus apercevoir ses yeux mauves qui me fixaient.

La porte transparente se referma lentement. Sans que je ne sus pourquoi, mon cœur se mit à cogner contre ma poitrine.

De nouveau, un bruit de pressurisation, puis l’ascension rapide des derniers cent cinquante mètres.

Il faisait nuit, quand ma cabine de lumière jailli au milieu d’une clairière ceinturée d’arbres majestueux.

J’avais lu que ces arbres, plantés cinq ans auparavant, avaient bénéficié d’une endo-ectomycorhize expérimentale pour accélérer leur croissance.

La température affichée par mon terminal était celle d’un début de printemps.

Les vingt degrés et une hygrométrie à cinquante-sept pourcents, contrastaient avec l’humidité et le froid extrême qui régnait en dehors du dôme de l’école. Chutes de neige, vents glaçants et solitude de givre dans les vallées.

Le lieu était faiblement éclairé par des luminaires bordant un sentier de terre brune. Une odeur d’humus agréable m’emplissait les sens, j’en goûtais la saveur jusque dans ma bouche.

Je m’engageai lentement dans cet inconnu. Les premières notes de « Working Hour » résonnèrent dans mes oreilles.

Je me retournai brièvement. J’étais proche de la paroi du dôme. Il effectuait depuis sa base une vertigineuse ascension à plus de deux cent mètres de hauteur.

En avançant, je discernai dans la pénombre un bosquet d’arbres nommés Jacaranda, aussi appelés flamboyant bleu. Un peu plus loin, je reconnus à son odeur citronnée et à ses fruits, un grand Orangers des Osages.

Un instant plus tard, je pénétrai sous une épaisse futaie de saules argentés, qui par la suite, laissa place à une haute barrière de peupliers noirs d’Italie.

Je marchais d’un pas léger. Je me sentais régénérée et détendue comme je ne l’avais plus été depuis longtemps.

Au détour du sentier, au travers de la végétation, je perçus un halo brillant.

À présent, je contemplais la grande tour blanche qui se dressait au centre du dôme. Elle le traversait en son centre pour se perdre haute dans les nuages qui l’entouraient.

Elle éclairait alentours comme un phare dans un océan de neige immaculé.

——

Loin, au dessus de la jeune fille, une holocam nichée dans le dôme s’alluma. Une rapide mise au point et l’œil se mit à la suivre. Il détailla en premier ses vêtements.

Jeans, tennis rouges, blouson marron aviateur à col de fourrure. Un puissant zoom cadra son visage d’ange à la peau blanche satinée. La lentille s’arrêta un instant sur le contour de ses lèvres pleines et bien dessinées. Elle remonta le long de son nez fin, puis élargie le champ pour scruter ses yeux gris-bleu clairs et sa chevelure blonde à peine ordonnée.

Un plan plus large la cadra de nouveau. Malgré un air décidé, ses yeux portaient une triste résignation.

Son allure féminine et son apparente fragilité, contrastaient avec une puissance contenue qui émanait de ses mouvements.

L’holocam bascula sur son mode thermique. La jeune fille apparue en rouge sombre. Une analyse rapide de ses échanges hydrique montra une absence anormale de sudation.

L’holocam s’éteignit.

Les Australiens

Deux jeunes garçons, silencieux, étaient assis autour d’une table au 145ème étage de la Duke Tower. Le garçon brun pris soudain la parole.

Ils restèrent silencieux un long moment.

Ils semblaient tous les deux réfléchir. Le brun se décida à parler.

Encore un silence

Silence

Un grand silence s’établit de nouveau.

Le blond regardait le brun en attendant sa réponse.

Il secoua la tête de gauche à droite en regardant le blond.

Long silence

« Salut les garçons, » intervint une voix féminine. « La personne qui va compléter votre triade d’étude vient de se présenter à l’accueil. Elle devrait arriver dans moins de cinq minutes. Je vous souhaite une bonne soirée ainsi qu’une agréable collaboration avec elle. »

« Mon nom n’est pas Charlotte ! Je tiens à souligner, Allen, que tu as paramétré cette fonction toi-même. Si tu ne désires plus m’entendre, tu sais comment procéder. »

« Merci Ethan ! Je suis sensible à tes marques de sympathie, mais je veux être claire… Tu n’es pas mon type d’homme. »

« Très délicat de ta part Allen ! Mais je ne supporterai pas d’être la cause d’une rivalité entre deux jeunes étudiants de Redstone Duke. »

Tous les trois se mirent à rire.

—–

Je venais d’arriver au pied de la D.W.Duke Tower. Je pénétrai dans l’immense hall de ce qui allait être ma demeure pour les quatre prochains mois.

Quelques étudiants de passage me saluèrent de la main. Je remarquai un personnage tapi dans la pénombre. Il me regardait, à moitié caché par un grand pilier. Il s’éclipsa, sans que je n’eus pu voir clairement son visage.

Une fille blonde habillée d’un juste au corps noir s’approchait de moi. Plutôt grande et mignonne, un tantinet filiforme, elle me dévisagea un instant et fini par s’arrêter.

Elle m’observait en souriant, attendant que je relance la conversation. N’y tenant plus, elle reprit.

J’aurais aimé l’être au moins une fois, pensai-je. Mais je n’avais plus de temps pour ça…

Je hochai la tête en la regardant s’éloigner et fini par marmonner.

Je me dirigeai sans enthousiasme vers le bureau où était assise l’artificielle. Elle ressemblait trait pour trait à celle que j’avais croisée dans les sous-sols.

Cette fois, j’allais être obligée de lui parler… Cette idée ne me plaisait toujours pas.

À mon approche, elle afficha un sourire remplis de charme. Elle sembla me reconnaitre.

Je pris une grande respiration et lâchait d’un seul trait ma demande.

Je la regardai sans vouloir comprendre. Soudain, je fus percutée par ce qu’elle venait de m’annoncer.

Je dois trimbaler une de ces poisses pour en arriver là, pensai-je, dépitée. J’allais devoir partager mon logement… Mais surtout interagir avec eux !

Pour la première fois de ma vie, je venais de remercier une machine.

Les robots avaient fait une timide apparition depuis quelques années dans les grandes villes, ils ne ressemblaient pas parfaitement aux humains. La bio-artificielle que je venais de quitter n’était pas encore commercialisée. Ces machines étaient les copies parfaites d’êtres humains. Elles maîtrisaient toutes ces expressions complexes que j’avais pu lire sur son visage. Seule la couleur de leurs cheveux et de leurs yeux permettait de les différencier des humains.

Cette rencontre m’avait procuré une sensation désagréable.

Les holo-marques vertes allaient vers le centre évidé du bâtiment. Là, un grand anneau de tubes transparents abritait des ascenseurs en verre. Ils desservaient les étages du gigantesque édifice en ceinturant un grand pilier central, dont les arborescences semblaient donner une cohésion à l’ensemble de la structure.

Premier arrêt au troisième niveau. Quelques pas en suivant la trace au sol m’amenèrent à une suite de distributeurs. Je portai mon choix sur une barre protéinée en la désignant du doigt. Elle me fut automatiquement présentée, sans qu’il n’y eu aucune demande de paiement.

J’engloutis mon repas en reprenant l’ascenseur.

À présent, Il fonçait en direction du sommet. Le plancher de verre donnait la mesure de la hauteur que j’étais en train de prendre. En levant la tête, je remarquai l’absence de câble.

Quelques étages plus hauts, dans le même tube, une autre cabine me précédait. Cette technologie équipait les grands édifices depuis ces cinq dernières années. Une intelligence artificielle gérait le dispositif, fournissant à la demande de nouvelles cabines, tout en optimisant les déplacements.

À mi-parcours, mon auto-cabine effectua une translation à quatre-vingt-dix degrés en direction du nord-est pour rejoindre un autre tube, puis reprit son ascension.

Cinq cent cinquante-cinq mètres plus haut, la porte s’ouvrit. À quelques mètres, en face de moi, je vis l’entrée de mon logement. Le chiffre neuf était gravé dans le bois couleur prune de la porte.

Je traversai le large couloir circulaire et passai ma main devant le pod d’ouverture. Le panneau coulissa sans bruit.

Le seuil me sembla un instant infranchissable. Après de longues secondes d’indécision, je fis une discrète entrée dans l’inconnu.

Derrière moi, la porte se referma doucement.

Quand nous nous découvrîmes, je lus de l’étonnement sur leurs visages. Les garçons restèrent un instant muets.

Je détaillai la grande pièce dans laquelle nous étions. Des spots lumière du jour, quelques cadres holo-numériques, une table en verre, trois sièges et deux sofas définissaient le coin salon. Une large bibliothèque occupait une partie du mur gauche. Un holoprojecteur diffusait des vidéos de paysages de plages de sable, des dizaines de surfeurs filles et garçons glissaient sur des vagues impressionnantes. Mon regard s’attarda sur deux didgeridoo callés dans un coin.  Dans le fond, trois portes fermées. Sans doute les chambres, présumai-je.

Mes yeux finirent par se poser de nouveau sur les garçons. Debout, ils me dévisageaient sans rien dire.

L’un était brun, très viril. Ses yeux noirs brillaient sur un visage d’une harmonieuse beauté. Je m’attardai sur sa bouche sensuelle qui aurait donné envie à beaucoup de femmes d’être embrassées. L’autre était châtain clair. Des yeux d’un incroyable bleu azur, un visage symétrique et bien dessiné. De hautes pommettes magnifiaient son regard en lui donnant une intensité troublante. Tous deux grands, ils paraissaient très sportifs.

Je les trouvais incroyablement séduisants.

J’étais bouleversée par la relation que je percevais intuitivement, et qui semblait fortement les lier l’un à l’autre.

J’attrapai d’une main la courroie accrochée à mon épaule. Je la lui présentai. Il s’approcha, la saisit, et fut surpris par le poids au point d’avoir du mal à le soutenir.

À contrecœur Il déposa mon bagage à terre.

J’ai parfois l’impression que nous dématérialisons notre monde au point qu’un jour nous en disparaitrons nous-mêmes.

Les deux garçons restèrent silencieux quelques secondes.

Ethan me regardait. Je crus surprendre une pointe de jalousie dans son attitude.

À mon grand étonnement, j’étais déstabilisée par leur simple présence.

Le rouge aux joues, je saisis d’une main la courroie de mon grand sac, qui s’envola pour rejoindre mon épaule. Je disparus dans ma chambre.

Sans aucun bruit, ma porte se referma.

« Je compte sur vous, pour manifester à cette jeune personne toute votre prévenance, votre attention et surtout… Votre délicatesse ! »

—–

Je peinais encore à admettre que ces deux garçons venaient de me toucher au-delà de tout ce que j’aurais pu imaginer.

Je retrouvais dans cette chambre spacieuse, toutes mes affaires expédiées depuis les Etats-Unis. Mon grand lit en bois, ma table et ma chaise de travail. Une commode Combret surmontée d’un plateau en marbre rouge et blanc, chinée dans une boutique de Roscoe Village à Chicago. Un fauteuil de lecture en tissu gris et la petite table où je posais mon livre du moment, côtoyaient la grande baie vitrée. Mes trois malles de vêtements reposaient sur le sol dans un coin de la pièce.

Je m’approchai de la grande façade en verre donnant sur l’extérieur. Il n’y avait pratiquement rien à voir tant l’obscurité qui régnait au dehors était grande. Loin en contrebas, je devinai le dôme faiblement éclairé par la luminescence du gratte-ciel.

Je fus prise d’un vertige tellement cette situation m’était inhabituelle. Je ne trouvais aucun repère sur lequel mon regard puisse se poser. J’avais déjà vécu dans de hauts édifices, bien plus hauts que celui-ci. En cette heure de la nuit ils baignaient dans une débauche de lumières, au sein de villes dont ils occupaient souvent la position centrale. Ici, tout me semblait froid, tout était noir. J’étais si loin de chez moi. Pourquoi étais-je venue là, alors que j’aurais pu passer les derniers moments de ma vie, à visiter des lieux bien plus accueillants… Sans doute une façon d’honorer la mémoire de mon père. Il avait été un fervent promoteur de cette aventure humaine sans précédent. Il souhaitait par-dessus tout que j’étudie à Redstone Duke.

L’holocam de la chambre s’attarda sur les larmes de la jeune fille.

« Tout va bien, Aria ? » s’inquiéta une voix féminine.

« Je suis, comment dire… Charlotte si cela te convient, c’est ainsi qu’Allen et Ethan m’ont baptisé à leur arrivée »

« Tu as deviné. Je suis chargée de la gestion de ce site, sous la supervision de l’équipe professorale actuellement très réduite et du conseil d’administration. Si tu me permets cette image, j’ai la main sur l’ensemble des fonctions automatiques ainsi que sur les systèmes électromécaniques et biomécaniques de l’école.»

« Ils ont dit que ma voix sonnait comme celle d’une de leurs connaissances qui le portait. Je suppose qu’il est plus pratique pour vous, de pouvoir identifier un facteur inconnu à un engramme cognitif familier. »

Je séchai mes larmes d’un revers de main.

« Je m’inquiète pour toi, Aria. Ta température corporelle est de trois degrés supérieure à celle d’une jeune femme en bonne santé. Je détecte une activité hormonale très inhabituelle chez une personne de ton âge et de ton sexe. De plus, un scan par résonance, m’indique que ton facteur de charge myotatique est très au-dessus des maximums rencontrés chez les sportifs de haut niveau. Je ne puis quantifier exactement le potentiel de ton palier haut, mais les données que j’ai acquises m’indiquent qu’il n’aurait virtuellement aucune limite. Comment l’expliques-tu ? »

« C’est exact, Aria. »

« Ta demande est illogique. Quoi qu’il en soit, je satisferais à ta requête aussi longtemps que ta survie ne sera pas compromise. Au-delà de cette limite, je serai obligée d’en informer l’unité médicale et le doyen de l’école. J’espère que tu comprends ? »

« Je ne suis pas en mesure de révéler quoi que ce soit sur leur vie privée, Aria. Ces données sont strictement confidentielles. Si tu obtiens leur accord, à ce moment je pourrai te répondre. D’un point de vue tout à fait public, ils jouissent d’une bonne réputation. Ils sont appréciés par les autres étudiants pour leurs qualités de cœur mais se tiennent toujours un peu à l’écart des mondanités. »

Je ressentais une forte envie de tout connaitre d’eux. J’étais dépitée par cette réponse et regrettais que l’IA ne soit pas en mesure de m’en dire plus. D’un autre coté, j’étais rassurée de savoir qu’elle ne parlerait pas de ce qu’elle venait de découvrir à mon sujet.

« Bonne nuit, Aria. »

J’utilisais la petite salle de bains de ma chambre, puis me couchais dans des draps frais.

Je peinais à m’endormir, revoyant l’ensemble de mon voyage depuis les Etats-Unis, jusqu’à mon arrivée sur le campus. Je fini par évoquer la rencontre de mes compagnons d’habitation, dont les visages marquaient mes pensées plus que je ne l’aurais voulu.

Un peu plus tard, je sombrai dans un sommeil profond où je retrouvai mes rêves de solitude.

Premier jour sous le dôme

J’ouvris un œil. La clarté s’insinuait lentement dans la chambre, mettant progressivement en relief les objets. J’observai un moment ce changement dans la perception de mon environnement.

Un rapide passage par la salle de bains, puis je me mis à fouiller vivement dans mon grand sac. J’en sortis des vêtements propres. J’enfilai en toute hâte un jeans, un tee-shirt pêche et un sweatshirt blanc à capuche.

Je viderai mes malles ce soir, décidai-je. Pour l’instant, ce qui m’importait, c’était de faire plus ample connaissance avec les deux garçons. Je fus surprise par cette envie d’adolescente, qui me poussait irrésistiblement vers quelque chose que je n’avais jamais connu.

Un pâle soleil perça difficilement au travers des nuages. Il éclaira un instant ma chambre, pour disparaitre aussi vite qu’il était venu.

Après un dernier examen rapide dans la glace, je déboulai dans le salon un sourire aux lèvres. Personne. J’écoutai. Je dus me rendre à l’évidence, l’insonorisation des chambres ne me permettrait pas de savoir si les garçons étaient encore là.

« Bonjour Aria.

« Ils ont quitté les lieux il y a exactement neuf minutes et trente-deux secondes. Ils se trouvent actuellement au troisième étage en train de prendre leur petit déjeuner. Ils auront fini dans moins de six minutes. Comme à leur habitude, ils ne traineront pas et se rendront en salle d’enseignement. »

« Quatre minutes dix-huit secondes, à partir du moment où tu franchiras le seuil de la porte. Je viens de programmer une auto-cabine qui arrivera à ton étage dans sept secondes. J’ai initié une  holo-trace violette au sol. Elle te conduira directement à leur table. »

« Dois-je en déduire que tu es… » Entendis-je en sortant de l’appartement.

Au même instant, je vis l’auto-cabine arriver à toute vitesse. Elle s’ouvrit pendant que je m’y engouffrai.

« Aria, je disais que… »

« Si tu veux dire par là, pas un mot sur ton comportement immature… Je comprends. Si j’étais à ta place, je pense que je serais morte de honte ! »

Je pris soudainement conscience de mon attitude. Je tentai de me calmer. Impossible… Je regardais les étages qui défilaient rapidement. Pas assez vite, remarquai-je. Ils allaient finir de petit-déjeuner. J’allais me retrouver encore solitaire devant un thé et des tartines.

Arrivée au troisième, je n’étais plus toute seule. Des centaines de jeunes gens se pressaient devant les ascenseurs. Le grand couloir menant à la cafétéria de l’école était bondé.

Poussez-vous de ma trace mauve, hurlai-je dans ma tête. J’avais du mal à la voir à plus d’un mètre.

Usant généreusement de mes coudes et de pas de côté rapides, j’arrivai dans une cafétéria noire de monde. La trace allait sur la droite. Je les vis à une quinzaine de mètres, encore assis. Allen avalait la dernière bouchée de son croissant, Ethan semblait terminer sa boisson vu l’angle d’inclinaison de sa tasse.

Je glissai vers eux de la façon la plus naturelle que je puisse imiter, dans cette course totalement insensée. À quelques mètres, l’air de rien, je repris une progression plus mesurée.

Déçue, je les regardais s’éloigner de la table avec leurs plateaux vides. Ils disparurent dans la foule compacte qui se pressait vers les sorties.

Vexée, je les traitais de tous les noms en me dirigeant vers les distributeurs. Je commandai un thé allongé ainsi que deux tranches de pain baguette avec du beurre et de la confiture.

Un plateau m’arriva directement dans les mains, sans que je n’aie eu encore une fois de contact avec qui que ce soit. Il fallait que ça change, me promis-je en rejoignant une table.

Bonne journée Aria… Salut Aria… Je ne cessais d’entendre cette conclusion désinvolte à nos retrouvailles matinales. D’une banalité à faire douter n’importe quelle fille de son pouvoir de séduction. Une triade d’études… C’est ce que m’avait dit l’artificielle de l’accueil ! Je terminai mon petit déjeuner en ressassant cette « Bonne journée » et ce « Salut Aria ».

Je levai les yeux pour découvrir un grand type brun aux cheveux longs. Il tenait dans une main un gobelet de café. Il me tendit l’autre accompagnée d’un sourire.

Je commençais à croire que tous ceux qui s’adressaient à moi savaient qui j’étais. Ses grands yeux sombres me scrutaient, cherchant à lire mes réactions. J’ignorai cette main tendue vers moi. Je lui donnai une réponse froide et sibylline pour qu’il comprenne que je n’étais pas d’humeur.

Je pris soudain conscience qu’enfin quelqu’un s’intéressait à moi.

Je ne sais plus trop qui m’a dit un jour « jamais deux sans trois, » je détestais cette adage… Autant discuter avec quelqu’un, même si ce n’était pas lui que j’aurais aimé avoir à ma table.

Il était bien fait de sa personne, sans être aussi beau qu’Ethan ou Allen. Ses habits sombres et bien coupés accentuaient la noirceur de ses cheveux et de ses yeux. Un « je ne sais quoi » chez lui me mis fortement mal à l’aise.

Je notai que malgré son détachement, il était en quête de bien plus que ce qu’il ne laissait paraitre. Encore une fois, ce sentiment de malaise apparut.

Il sourit et passa très naturellement à un autre sujet.

Si je passe sur le « Salut Aria » et la « Bonne journée Aria » de tout à l’heure, pensai-je.

Il quitta ma table, en laissant son gobelet de café encore plein sans en avoir bu la moindre goutte. Un café prétexte, notai-je, pas rassurée sur ses véritables intentions.

Je grimaçai. Un étrange garçon, deux autres qui me traitent en copine à qui on n’a pas grand-chose à raconter ! Bon début Aria…

Il avait dit terminal, synchroniser, agenda… Voyons voir ce que ça donne !

« Agenda administration disponible, » m’informa mon terminal.

« Synchronisation en cours. »

« Mille sept cent soixante-dix blogs locaux, quinze bulletins journaliers, quatre-vingt-sept bulletins mensuels. »

Ça faisait beaucoup trop d’informations pour que je puisse toutes les parcourir.

« Onze blogs recueillent soixante-dix-neuf pourcents des consultations, quatre-vingt-seize pourcents des étudiants sont abonnés aux deux mêmes bulletins. »

« Abonnement réalisé aux bulletins « Ombres sous le dôme » et « RSD News ». Neuf blogs de sciences appliquées, un traitant d’arts et de technologies, un blog politique, un blog amours et relations. »

Pour l’instant au diable les dix autres, pensai-je.

« Confirmation de l’exécution des requêtes. Lecture des deux bulletins et du blog à disposition. »

« RSD. La sentinelle du cœur ». Le titre racoleur du site clignotait en caractères manuscrits dorés. Je détaillai les différentes rubriques. Qui avec qui ; Séparations ; Billets des cœurs ; Popularité amoureuse. Cette dernière rubrique attira mon attention. Je décidai de la sélectionner manuellement, soucieuse que quelqu’un put m’entendre le formuler à haute voix.

La rubrique affichait un choix, filles ou garçons. Je sélectionnai garçons. Deux photos arrivèrent en tête, c’était Allen et Ethan. Plus de quatre-vingt dix pourcents des filles de l’école avaient cliqué sur le cœur de leur fiche. Je fulminais. Pathétique, conclus-je dans un haut le cœur. Je renonçai vite à mon intention de lire les commentaires qui collaient à leur profil. Il y en avait plus de dix mille… Écœurant !

Je passai à la rubrique filles. Des noms et des visages inconnus s’affichèrent. Aucun intérêt… Je lançai une recherche.

Mon nom et prénom apparurent. Pas de photo, pas de cœur, pas de commentaire, le vide absolu collait à ma fiche.

Alors comme ça, messieurs « Salut et Bonne journée » étaient les deux bourreaux des cœurs de l’école ! Décidément ma journée ne pouvait pas plus mal commencer.

J’allais me rendre à l’extérieur, quand l’agenda de mon terminal annonça le discours du doyen de l’école. Il serait bientôt retransmis dans les salles de conférences.

« Début à moins trois minutes. Estimation durée moins de cinq minutes. »

Je ne connaissais pas le doyen, ces cinq minutes me parurent très raisonnables.

« Un étage au-dessus. »

Je m’y rendis rapidement. J’entrai dans une grande pièce archibondée. Je repérai un siège encore vacant très loin devant moi.

Je me décidai à rester debout. L’instant d’après, l’holoprojection d’une personne en costume clair apparut sur scène.

Il semblait avoir la soixantaine. Coupe de cheveux courte sur un visage osseux, surmontant un corps dépourvu de toute graisse.

 « Elle s’appelle Charlotte ! » pensai-je, amusée.

Je reportais mon attention sur son discours

Un écran tridimensionnel s’éclaira sur le devant de la salle, je me vis debout dans le fond. J’essayai de reculer pour disparaitre mais l’holovidéo-cam suivit mon déplacement et zooma sur mon visage.

L’hologramme du doyen disparut. L’écran où j’apparaissais aux yeux de tous était encore en fonction.

« Tu n’as plus qu’à sourire, » me dis-je. Ce que je fis aussitôt, en affichant un magnifique rictus figé par le stress.

Des centaines d’étudiants se levaient de leurs sièges. La plupart avaient les yeux fixés sur moi.

« Vous avez reçu des cœurs sur votre page « RSD La sentinelle du cœur, » section popularité amoureuse, » m’informa mon terminal.

Toujours figée dans un sourire qui commençait malgré tout à couler, je jetai un coup d’œil sur mon profil.

La page affichait une photo de moi où mes dents apparaissaient en première ligne. Le compteur des cœurs enregistrait déjà des admirateurs.

Je mis fin à la connexion, le rouge me montait aux joues.

C’était Abi Clayton. Elle semblait d’humeur joviale, à la façon de celles qui sont comme ça juste parce qu’elles ne peuvent pas être autrement.

L’idée me rebutait totalement. Je n’avais pas envie que quelqu’un aille fouiller dans mon cerveau.

Elle semblait avoir deviné mon trouble.

Je notais qu’elle me regardait du coin de l’œil, un peu inquiète.

Elle sembla se contenter de mon explication.

Nous prîmes une auto-cabine pour rejoindre le rez-de-chaussée. Une fois dehors, Abi emprunta un large chemin très fréquenté, bordé par une courte végétation.

Devant nous, je découvris une jolie structure en forme de goutte. L’arrondie du devant était entièrement transparent. Je pouvais voir une vingtaine de fauteuils mauves, d’où partaient une série de câbles souples reliés à des casques luminescents.

Un bio-artificiel d’apparence masculine nous accueilli en souriant.

« Bonjour. Aria, veuillez prendre place sur un des fauteuils, je vous prie. »

 « Vous n’ayez aucune inquiétude. Comme la plupart des étudiants, vous supposez qu’un flux va être pulsé vers votre cerveau. Il n’en est rien. Ces appareils ne font que recueillir les fréquences sortantes de votre cortex. Ensuite, à l’aide de certains stimuli extérieurs, sonores, visuels et proprioceptifs, nous récoltons les réponses de votre noyau médullaire. Ces informations nous permettront de dresser votre profil synaptique, afin que la syntonisation neurale s’effectue dans les meilleures conditions. »

Je regardai ma nouvelle amie.

Je reportai mon attention sur l’artificiel.

En guise de réponse il me désigna un siège. Je m’y installai.

La résille ne pesait presque rien, elle ne fut pas facile à positionner.

La bio-machine m’informa du début du processus.

J’attendais qu’il se passe quelque chose. Je ressentis un picotement dans mes mains, quelques sons tournèrent autour de ma tête et des manifestations lumineuses jaillirent de nulle part devant mes yeux.

« C’est fini. » déclara l’artificiel avec un franc sourire et un regard bienveillant.

Nous prîmes congés. Elle était incroyablement pesante de bonne humeur, n’arrêtant pas de souligner qu’elle allait enfin pouvoir bénéficier de l’enseignement de l’école.

Je n’étais pas encore totalement conquise par ce mode d’enseignement. Je décidai de faire face à mes réticences.

Le centre d’enseignement était tout près. Je découvris une jolie construction en pierre de quatre étages, perdue au milieu d’une végétation luxuriante. À cette occasion, je vis pour la première fois des oiseaux voler sous le grand dôme.

Cette question m’avait perturbée. J’en avais envie… Je m’imaginais parfois entourée d’enfants. Je savais aussi que ça n’arriverait jamais.

Une fois dans le bâtiment, un synthétique nous attribua un numéro de siège. Il programma des traces lumineuses pour que nous puissions les rejoindre.

La salle était remplie d’étudiants. Des dizaines de sièges confortables s’alignaient à un mètre cinquante d’intervalle. Je rejoins le mien et me laissais guider par l’interface de l’appareil.

« Choisissez vos domaines d’études. »

Une holo-liste apparue. Je prononçai à haute voix :

« Sélectionnez les recherches demandées par sources géographiques ou par noms d’auteurs des publications. »

« Ce volume de données représente cent vingt-deux mille cinq cent cinquante-deux pages standards. Temps d’acquisition estimé à soixante-dix-huit heures et quatre minutes. »

« Réduction possible jusqu’à un facteur cinq. En raison du très haut débit de transfert, le taux de perte de données est évalué à seize pourcents. »

« Processus nécessitant l’emploi d’un protocole de dialogue cerveau-machine invasif, plus complexe que la syntonisation. Vous devez accepter d’abandonner momentanément votre intégrité mémorielle, au profit d’une connexion de phase profonde. »

« Tous vos souvenirs et engrammations les plus récentes seront scannés. Ils transiteront momentanément par une unité logique comparative à très haut débit. »

« Elle peut ne pas l’être. Dans ce cas, vous renoncez à la supervision du processus par l’IA. De fait, vous engagez votre responsabilité en cas de défaillance durant cette opération. »

« Temps d’acquisition total des données estimé à quinze heures vingt-quatre secondes. Durée de la première session, huit heures. Pose biologique programmée à la moitié de ce temps. Veuillez toucher le contact vert sur le pupitre à votre droite.»

Mes doigts se posèrent sur le contact. Je fermai les yeux. La syntonisation synaptique débuta sans que je ne m’en rende compte.

J’eu une courte période d’inconscience. Je me réveillai, toujours sur le fauteuil.

« Processus d’acquisition terminé. »

« Trois heures et dix minutes. Votre température interne élevée et votre milieu hormonal particulier, ont grandement accéléré le transfert de donnés. La phase profonde connexion cerveau-machine a elle aussi été réalisée. Aucune des données transmises n’a été déclarée manquante.  »

« Oui. Je dois vous informer, qu’en raison du très inhabituel volume d’informations que vous avez sélectionné, les données transférées ne vous seront accessibles que progressivement. Merci de votre passage au centre d’enseignement, Aria. »

Je me levai en me demandant où en était Abi.

Je décidai d’aller déjeuner et ensuite de passer le reste de la journée à visiter l’école. Je connectai ma playlist et flânai en me dirigeant vers la Duke Tower.

L’enseignement de ce matin, commençait déjà à parvenir à la surface de ma conscience ordinaire. Des connaissances parcellaires émergeaient de nulle part. Plus j’y portais attention, plus celles-ci s’organisaient de façon rationnelle. C’était une expérience particulièrement troublante.

Une fois à destination, j’entrai dans un ascenseur et prononçai « Restaurant ». Aussitôt la cabine pris de l’altitude.

« Sur votre droite en sortant. », m’indiqua une voix presque revêche, après l’ouverture de la cabine.

« Non. Vous avez été identifiée comme étant Aria Spacel. Séquence d’assistance automatique préenregistrée auto-attribuée, adaptée à votre faible niveau de connaissance des lieux. Veuillez libérer rapidement la cabine. »

La suite ce soir (18/03/2020) sur le site de Redstone Duke.