Des chercheurs du CEA et de l’Inserm, réunis au sein de l’institut NeuroSpin1, mettent en évidence un traitement dynamique des phrases, en tant que structures enchâssées et cohérentes de mots, par le cerveau. Ces résultats sont publiés dans la prestigieuse revue Proceedings of the national academy of Science, PNAS, le 17 avril 2017.
En observant l’activation des neurones dans les aires du langage, les scientifiques ont pu démontrer que lors de l’analyse des phrases, le cerveau humain compresse les suites cohérentes de mots en structures hiérarchiques enchâssées les unes dans les autres.
Si les phrases semblent se dérouler de manière linéaire et séquentielle, mot après mot, dès les années 1950 de nombreux linguistes, tel que Noam Chomsky, ont postulé que la théorie linguistique devait les décrire sous la forme de structures enchâssées et récursives, que l’on peut représenter comme des arbres: ce sont les arbres syntaxiques.

Les arbres syntaxiques :

Pour les linguistes, les arbres syntaxiques permettent de représenter la structure hiérarchique des phrases. Chaque nœud de l’arbre représente un « syntagme », c’est-à-dire une structure qui regroupe un ensemble cohérent de mots ou d’autres syntagmes. On parle de « groupe nominal » (GN), verbal (GV), prépositionnel (GP), etc. Les phrases telles que « Marie pense que Susan a dit que Paul aime le chocolat » montrent que le langage peut être récursif : toute phrase peut être rallongée en ajoutant un niveau supplémentaire à l’arbre syntaxique.

Cependant, ces propositions de la linguistique théorique restent débattues, car on ignore si le cerveau humain manipule réellement des arbres syntaxiques et comment il les code. Afin de comprendre comment le cerveau analyse les phrases, les chercheurs ont enregistré l’activité électrique de populations de neurones corticaux2 chez 12 patients épileptiques3 qui, dans le cadre de l’exploration clinique de leur maladie, étaient déjà équipés d’électrodes implantées dans l’hémisphère gauche du cerveau. Ces patients lisaient des phrases simples dont chaque mot était présenté successivement.
L’analyse des enregistrements révèle que l’activité électrique des aires du langage croit avec le nombre de mots présentés, mais décroit soudainement à chaque fois que le mot peut être combiné avec les précédents pour former une structure syntaxique complète. Cette diminution de l’activité suggère que, lors de l’analyse des phrases, le cerveau humain compresse les suites cohérentes de mots en structures hiérarchiques enchâssées les unes dans les autres. Les résultats de l’analyse montrent que la compression en structures hiérarchiques est observée pour une suite cohérente de mots formant une phrase, mais pas pour une suite de mots de même longueur extraits d’une liste. C’est ce qui explique probablement que les individus se remémorent plus facilement des mots qui leur sont présentés lorsqu’ils appartiennent à une phrase, tel que dans une phrase mnémotechnique, que des mots pris dans une liste de même longueur sans lien hiérarchique.
1 Et en collaboration avec des scientifiques de l’Institut du cerveau et de la Moelle, du département de Neurologie du Massachussets General Hospital (Harvard, Massachusetts, États-Unis), de l’Université Stanford (Californie, États-Unis) et du département de linguistique de l’Université Cornell (New York, États-Unis).
2 Les neurones corticaux sont les neurones présents dans le cortex (ou matière grise) qui recouvre les deux hémisphères cérébraux.
3 L’épilepsie n’est pas une maladie linguistique affectant le langage et les patients présentent tous un fonctionnement normal du langage.
Ces résultats sont également un premier pas important vers la compréhension des architectures cérébrales propres au cerveau de l’homme et qui ont permis l’émergence, au cours de l’évolution des primates, de la faculté de langage.

Références

Neurophysiological dynamics of phrase-structure building during sentence processing, Matthew J. Nelsona, Imen El Karouib, Kristof Giberc, Xiaofang Yang, Laurent Cohenb, Hilda Koopman, Sydney Cash, Lionel Naccacheb, John T. Haleg, Christophe Palliera, and Stanislas Dehaene. PNAS, 17 avril 2017.

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