Quelques rappels préliminaires

La personnalité est un ensemble de caractéristiques psychologiques stables qui définissent la personne dans son unité, sa singularité, vis-à-vis d’elle-même et des autres. Certaines difficultés[1] peuvent survenir au cours du développement de la personne et être à l’origine de traits de personnalité dysfonctionnels. Lorsque ces traits s’intensifient, submergée par les émotions, la personne n’est plus en mesure de gérer les émotions qui la submergent. Elle devient incapable de répondre efficacement aux stimulations de son environnement. La personnalité devient pathologique.

Le terme borderline est apparu pour la première fois dans la littérature médicale en 1884 avec Hugues aux Etats-Unis pour désigner des cas de symptômes physiques survenant au cours d’affections psychiatriques. Tous les symptômes psychiatriques peuvent se rencontrer dans les états limites. Ce polymorphisme clinique et symptomatique trouve sa source dans l’incapacité du patient à mettre en place des mécanismes défensifs stables ou des compromis symptomatiques efficaces.

Le trouble borderline, également appelé trouble de la personnalité limite ou état limite, est encore perçu par un grand nombre de praticiens comme un « état intermédiaire entre trouble névrotique et trouble psychotique ». Or il n’en est rien.

Le diagnostic peut se conduire de deux façons différentes :

 1/ Certains praticiens peuvent conclure qu’il s’agit d’un état clinique qui n’est ni une névrose, ni une psychose, ni une perversion, ni un trouble de la personnalité classique, ni un état dépressif typique. Cette approche par élimination qui revient à cerner le concept de l’extérieur ne permet pas d’en appréhender la réalité. Le patient se retrouve ainsi, en fonction du clinicien, affublé d’un diagnostic par défaut, à dimensions variables, fourre-tout, sans homogénéité apparente.

 2/ L’autre manière, centrée sur l’histoire du patient (anamnèse) et les symptômes récurrents, permet de tenter de définir le concept d’état limite en repérant des constantes, des caractéristiques permettant un diagnostic positif, et non un diagnostic d’élimination.

Les travaux effectués dans ce sens par Bergeret et ceux de Kernberg, sont une synthèse en 1975, de l’ensemble des recherches effectuées dans ce domaine depuis le début du 20ème siècle. Ils ont permis de dégager quelques éléments cliniques évocateurs du diagnostic, mais aussi et surtout des éléments psychopathologiques spécifiques du fonctionnement psychologique du patient borderline. Pour ces auteurs, les éléments cliniques sont des éléments de présomption diagnostique, et trouvent confirmation avec l’analyse structurelle du patient.

Dès lors, ce diagnostic ne peut être posé que dans le cadre particulier de consultations plutôt répétées qu’unique où le praticien s’ouvre au fonctionnement psychique du patient.

  • Des consultations répétées, cela signifie qu’un seul entretien ne permet pas de « cerner » la pathologie tant elle est polymorphe. En effet, le praticien peut ainsi imaginer, à la faveur des plaintes recueillies lors l’entretien que le patient exprime les symptômes d’un état dépressif profond. Il sera alors tenté de conclure à  un trouble bipolaire. Une autre fois, ce sont l’expression de symptômes liés à un comportement addictif (boulimie, anorexie…alcoolisme) qui retiendront son attention et entraineront une prescription de cure de désintoxication, alors que les comportements addictifs sont justement le moyen choisi par une personne borderline pour combler le sentiment de vide intérieur à l’origine de ses crises suicidaires.

  • S’ouvrir au fonctionnement psychique du patient ne se décrète pas[2]. Cela implique en premier lieu que le praticien prenne le temps de créer l’alliance thérapeutique. Il serait bien illusoire de croire qu’une seule séance suffise à réaliser cet élément indispensable au processus thérapeutique avec un patient borderline. S’ouvrir au fonctionnement psychique du patient implique également et surtout, la capacité du praticien à gérer les situations de transfert et de contre-transfert qui caractérisent les échanges avec ces patients.

Les personnes souffrant du trouble de la personnalité borderline éprouvent des états émotionnels intenses, (peur, colère, tristesse, honte…) qui s’accompagnent de sentiments de désespoir, de solitude, d’irritation ou d’anxiété survenant brusquement, envahissants et souvent difficilement contrôlables. Il s’agit du trouble le plus associé à la survenue d’idées de suicide et de comportements suicidaires, stratégies de dernier recours pour éviter la souffrance ressentie.

Les 4 grandes dimensions du trouble de la personnalité borderline :

1- Une dysrégulation émotionnelle, c’est-à-dire la difficulté à réguler ses émotions.Les personnes borderlines sont hyper-sensibles. Surtout quand il réactive un ancien traumatisme, un évènement souvent anodin, peut prendre des proportions importantes et avoir des conséquences inattendues, souvent disproportionnées. Les personnes borderlinepeuvent adopter en une fraction de seconde des comportements d’une intensité émotionnelle importante, et avoir besoin de temps pour retrouver un semblant d’apaisement.

Elles s’enflamment facilement pour des causes, excessives dans leurs attitudes et dans leurs propos, elles excellent dans l’art de la rumination et adoptent des comportements « tout noir ou tout blanc ». Souvent dépourvues du sens de l’humour elles pratiquent plus volontiers l’auto dérision.

2- Des actes impulsifs et autodestructeurs. Les personnes borderline adoptent souvent des comportements addictifs, hétéro ou auto-agressifs. Elles souffrent de troubles du comportement alimentaires (boulimie ou anorexie). Les automutilations (scarifications, tatouages, piercings…), les relations sexuelles à risques (non protégées avec des partenaires multiples…), les conduites de véhicules dangereuses, les idées ou les tentatives de suicide, font également partie de la panoplie des symptômes du trouble borderline.

  • Du point de vue neuropsychique, hypersensibilité et impulsivité vont de pair chez la personne borderline. L’impulsivité est la manifestation du laps de temps infime entre le moment où il ressent (une pensée ou une émotion) et le moment où il passe à l’acte pour y répondre. En faisant l’impasse de toute réflexion ou analyse de la situation, face à une tension émotionnelle qu’elle vit comme insupportable, la personne borderline adopte une réaction qui va la soulager très rapidement (prise de drogue, alcoolisation excessive et rapide, crise de boulimie, agressivité verbale ou physique, menaces de suicide…). Ce type de réponse démesurée correspond à une sorte de  comportement réflexe, s’avère inefficace sur le long terme parce que non raisonnée.

3 – Une grande instabilité dans les relations interpersonnelles. Dictées par la peur de l’abandon, l’angoisse du vide intérieur insupportable, les relations interpersonnelles sont généralement vécues comme intenses, conflictuelles, chaotiques et instables. Plus la personne borderline s’attache, plus la relation à l’autre devient difficile à gérer. Dans la relation intime, la personne est en quête d’avidité et de fusion mais tout en ayant des craintes très fortes (de se perdre dans l’autre ou d’être abandonnée). La relation est généralement destructrice et constitue souvent une mise en danger pour les deux protagonistes. Afin d’éviter la rupture (réelle ou imaginée), la personne borderline mettra alors tout en œuvre pour l’éviter. Les personnes borderlines vont avoir tendance à être hyper-entière dans les relations, à s’investir rapidement, et pleinement (voire trop). La relation nouvellement investie est généralement idéalisée. Et comme, au fur et à mesure du temps, l’autre ne répond pas à ses attentes, la personne borderline va devoir faire face à la déception. La relation va souvent être intense et instable, marquée par une alternance entre idéalisation de la relation, et dévalorisation. La personne borderline ne cesse de tester les limites de la relation, voire des comportements pour se faire aimer de l’autre au détriment du respect de soi.

4- Une perturbation au niveau de l’identité. Il s’agit d’un problème relatif à l’image de soi. La personne en souffrance possède une image très fragile, et très instable d’elle-même. Malmené par des traumatismes de l’enfance (abus, violences verbales ou physiques sur soi ou les autres) dévalorisations, moqueries, échecs…le borderline est entièrement dépendant du contexte, de la qualité, de l’intensité des relations et de l’environnement. Un seul mot, un seul regard, peut le détruire ou le réjouir.

Certains troubles cognitifs peuvent également surgir en cas de stress très intense tel que la dépersonnalisation, la dissociation ou bien encore le délire. Généralement ces symptômes sont de courte durée et ne dépassent pas quelques heures.

Les 9 symptômes pour diagnostiquer le trouble de la personnalité borderline :

En reprenant les 4 grandes dimensions présentées ci-dessus, le DSM V (répertoire américain des maladies mentales) propose 9 symptômes (dont 5 au moins suffisent) pour diagnostiquer le trouble de la personnalité borderline :

1- Peur de l’abandon
La personne fait des efforts effrénés pour ne pas se sentir seule, rejetée ou abandonnée, qu’il s’agisse d’un scénario réel ou imaginé.

2- Actes impulsifs

Conduites à risques : addictions (alcoolisation massive, drogues, jeu vidéo, relations sexuelles à risque), troubles du comportement alimentaires (anorexie et/ou boulimie)

3- Sensation de vide intérieur
Impression douloureuse de ne plus rien ressentir, de ne plus exister, sentiment chronique de vide

4- Actes autodestructeurs

Répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d’automutilations

5 Hétéro-agressivité

Colères intenses et inappropriées, souvent incontrôlables, qui s’expriment par des violences verbales sur les personnes ou physiques sur les objets

6- Perturbation de l’identité

Instabilité de l’image, de la notion de soi

7- Une dysrégulation émotionnelle

Sensibilité exacerbée, vision dichotomique (tout blanc ou tout noir), changements d’humeur subits et imprévisibles, réactions émotionnelles intenses, dépression et anxiété, difficulté (à trop ou pas assez) gérer sa colère

8- Sentiment de paranoïa

Dans une situation de stress, la personne a le sentiment que l’on cherche à lui nuire ou a l’impression d’être déconnectée de la réalité

9- Problèmes relationnels

Modes de relations interpersonnelles instables et intenses

Pour plus d’informations ou toute demande d’interview avec un praticien membre de l’AFORPEL

(Association pour la FORmation et la Promotion de l’Etat Limite) :

www.aforpel.org


[1] Le système borderline, histoires de familles
Pierre Nantas (l’Harmattan, 2019)

[2] La bienveillance, quand elle s’invite en psychothérapie
Pierre Nantas (l’Harmattan 2016)

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