AFPATROUBLES DES APPRENTISSAGES : les pédiatres de l’AFPA alertent sur l’importance d’un diagnostic précoce et pluridisciplinaire pour orienter l’enfant vers le bon spécialiste

Dans une classe, en moyenne, 2 à 4 élèves ont besoin d’un suivi pour un trouble spécifique de langage ou d’apprentissage. Aujourd’hui, trop d’enfants sont orientés directement vers des rééducateurs (orthophonistes, psychomotriciens, orthoptistes…), vers des psychologues ou des structures de soins, sans une évaluation médicale préalable. L’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) souhaite rappeler l’importance d’une évaluation par un spécialiste de la santé et du développement de l’enfant pour confirmer le trouble repéré, préciser le diagnostic, définir les besoins de rééducation et rédiger la prescription nécessaire à la prise en charge.

Pour l’AFPA, le respect du parcours de soin est primordial. Il permet, grâce à une évaluation au plus près des difficultés de l’enfant, de confirmer ou non les troubles repérés par la famille ou l’enseignant puis d’orienter à bon escient vers une rééducation adaptée. Ainsi, la place respective des différents soins en rééducation nécessite une collaboration entre les rééducateurs et un médecin spécialement formé à ces questions, afin d’intensifier, arrêter ou proposer d’autres prises en charge éventuellement combinées.

Un constat qui, pour l’AFPA, confirme l’importance du parcours de soins des enfants qui, s’il a été bien défini avant l’âge de 6 ans, devrait être renforcé aux étapes clés du développement à partir de 6 ans.

Le pédiatre, spécialiste du développement de l’enfant
C’est le spécialiste de la santé de l’enfant, de la naissance à l’adolescence. Après une formation universitaire de 10 ans (dont 4 années de spécialité après le tronc commun de médecine générale) puis une formation médicale continue tout au long de sa carrière, le pédiatre a pour mission de permettre à son patient de franchir le mieux possible les différentes étapes d’un développement susceptible d’être perturbé par un certain nombre de processus pathologiques. Il traite des maladies aiguës ou chroniques entravant ce développement mais a également un rôle de prévention et de dépistage de troubles physiques ou psychologiques, le plus en amont possible.

C’est notamment le but des consultations systématiques de suivi (chaque mois de 1 à 6 mois puis à 9, 12, 16, 20 et 24 mois ; 2 fois par an jusqu’à 4 ans ; et 1 fois par an jusqu’à l’adolescence). Lors de ces consultations, le pédiatre surveille la croissance et le respect du calendrier vaccinal et réalise un examen clinique global.

À chaque âge clé, il pratique différents tests sensoriels, du langage et de la communication, de la motricité et évalue le bien être psychique, relationnel et environnemental. L’objectif : dépister le plus tôt possible des troubles spécifiques aboutissant à un mal être, à des troubles des apprentissages scolaires ou, dans les cas extrêmes, à des handicaps physiques ou psychiatriques, nécessitant une prise en charge et un accompagnement adaptés les plus précoces possibles.

Il peut également, le cas échéant orienter l’enfant et sa famille vers une équipe pluridisciplinaire au sein de centres de référence des troubles de langage et des apprentissages (CRTLA), ou de centres de compétences.

Dépister, valider et orienter : le pédiatre, véritable chef d’orchestre
De par sa pratique exclusive, l’expérience du pédiatre l’aide à recevoir les plaintes, les inquiétudes de l’entourage de l’enfant et les décoder en prenant en compte l’environnement physique, psychologique, familial, scolaire et social de l’enfant. Après avoir évalué la réalité et l’intensité du trouble repéré dans le développement de l’enfant, le pédiatre prescrira une évaluation auprès du professionnel de santé le plus adapté (orthophoniste, psychomotricien, psychologue, pédopsychiatre, orthoptiste…) pour réaliser un bilan plus ciblé qui mettra en lumière la nécessité éventuelle d’une prise en charge éducative ou rééducative.

Les différents troubles du développement…

-LES TROUBLES STRUCTURELS DE LANGAGE ORAL (DYSPHASIE)

Auparavant appelés dysphasie, ce sont des troubles durables dans le développement du langage oral de l’enfant, pouvant toucher aussi bien les capacités de l’enfant à s’exprimer ou à comprendre. Cela peut toucher la possibilité de combiner des sons dans un mot, le vocabulaire, ou la capacité de construire les phrases, d’accorder les noms et les verbes. L’enfant dispose cependant de capacités d’exprimer ses émotions de façon adaptée par la mimique du visage et a des capacités normales en dehors du langage oral. Ces troubles sont fréquemment associés aux difficultés d’apprentissage de la lecture. En France, 16% des enfants en grande section de maternelle auraient des troubles du langage dont 1% de troubles sévères[1].

Les signes d’alerte des troubles du langage oral chez l’enfant de moins de 4 ans
À 18 mois :
– Aucun mot signifiant
À 24 mois :
– Pas plus de cinq mots de vocabulaire
– Pas d’association de mots
– Compréhension altérée
À 36 mois :
– Pas de langage intelligible pour des étrangers (les parents peuvent parfois comprendre)
– Pas de phrase constituée (verbe-complément ou sujet-verbe)
– Compréhension altérée
– Pas d’utilisation du Je, Moi, de son prénom

– LE TROUBLE D’ACQUISITION DES COORDINATIONS (DYSPRAXIE)

Également appelé dyspraxie, il s’agit d’un trouble sévère dans l’acquisition de réalisations gestuelles chez un enfant ne présentant pas de trouble orthopédique ni de maladie musculaire, et disposant par ailleurs de capacités intellectuelles normales. Le « retard » dans l’acquisition des réalisations motrices s’accompagne d’une lenteur inhabituelle, des fluctuations d’un jour à l’autre, des progrès dans ce domaine beaucoup plus lents que ceux des enfants de son âge. L’enfant n’est en outre pas aidé par la démonstration préalable ou un modèle visuel. Cette compétence motrice suppose cependant que l’enfant ait été exposé à son apprentissage soit dans le cadre de son environnement, soit par les adultes. La prévalence peut atteindre 6 à 7 % des enfants âgés de 5 à 11 ans[2].

Les acquisitions « habituelles » âge par âge
Constructions de cubes :
– Empiler 2 cubes : à partir d’un an, 3 cubes à 18 mois, 6 cubes à 2 ans
– Pont de 3 cubes à 3 ans, pont de cinq cubes à 4 ans
– Pyramide à 6 cubes à 5 ans
Dessin :
– Tracer un cercle sur modèle à 3 ans
– Tracer le carré à 4 ans
– Tracer un triangle à 5 ans
– Écrire son prénom : grande section d’école maternelle
Vie quotidienne :
– Manger à la cuillère vers 18 mois
– Faire du tricycle : 3-4 ans
– Vélo sans petites roues : 4 à 6 ans
– Faire ses lacets vers 6 – 7 ans

Les alertes dans le développement psychomoteur
Avant deux ans :
– Toute asymétrie1 dans la motricité spontanée ou provoquée2, toute anomalie dans le développement du tonus actif ou passif3, un ralentissement ou une accélération significative dans la croissance du périmètre crânien4
– Tout strabisme divergent5 quel que soit l’âge, ou convergent6 après l’âge de 4 mois
À 9 mois :
– Pas de station assise
– Pas de babillage canonique7
– Ne réagit pas à son prénom
– Pas de prise en pince pouce index
Entre 18 mois et 24 mois :
– Absence de marche autonome, à surveiller dans un premier temps, et évaluation spécialisée en l’absence d’acquisition avant 21 mois
– Pas de pointage en associant le regard
– Pas de croisement du regard
– Pas de partage d’attention avec l’adulte
– Pas de jeu de faire semblant
– Pas d’empilage de cubes, jeux répétitifs, stéréotypés

– LE TROUBLE DÉFICITAIRE DE L’ATTENTION AVEC OU SANS HYPERACTIVITÉ

Les enfants et les adolescents concernés ont trois types de difficultés importantes, pouvant se combiner : inattention, hyperactivité, impulsivité. Les difficultés surviennent en général depuis la petite enfance, même si le diagnostic n’est en général évoqué qu’après l’âge de six ans, chez un enfant d’intelligence normale. Le trouble survient dans les différents environnements de la vie de l’enfant : à la maison, à l’école, dans les activités extra scolaires. En 2011, Dr Lecendreux évalue la prévalence entre 3,5 et 5,6 % des enfants français[3].
… Et ceux des apprentissages scolaires

– LES TROUBLES SPÉCIFIQUES DE LANGAGE ÉCRIT (DYSLEXIE, DYSORTHOGRAPHIE)

Ces troubles touchent la capacité de l’enfant à lire :
– Difficultés dans la mise en place du décodage (combinaison des groupes de lettres pour lire le mot par syllabes), ou plus tard pour lire la forme globale du mot, chez un enfant bénéficiant d’un apprentissage scolaire adapté, normalement intelligent ;
– Difficultés à lire de façon suffisamment précise, rapide et fluide pour lui permettre de comprendre ce qu’il lit.
Le diagnostic repose sur l’évaluation de la lecture avec des outils se référant à la période de l’année et à la classe suivie, permettant de poser le diagnostic de dyslexie. La dysorthographie correspond elle, à la difficulté sévère et persistante en orthographe quand l’enfant écrit. Selon les données de la littérature francophone la dyslexie / dysorthographie toucherait entre 6 et 8 % des enfants en France[4].

Les indications « habituelles » du bilan orthophonique devant un trouble de langage écrit
Au CP, bilan et rééducation orthophonique si :
– Trouble du langage oral
– Peu de syllabes lues en janvier
– Pas d’évolution suffisante malgré une réponse pédagogique adaptée
– Ce d’autant qu’il existe des antécédents familiaux
1 Le bébé et le petit enfant n’est pas latéralisé, il utilise indifféremment la main ou le côté droit ou gauche. S’il parait latéralisé, cela peut constituer une alerte dans le développement moteur.
2 La motricité spontanée correspond aux mouvements que l’enfant réalise seul, de sa propre initiative. La motricité provoquée correspond aux gestes ou
Au CE1 et au-delà, toute plainte sur le langage écrit impose un examen par un test étalonné de lecture (ELFE, ODEDYS, EDA) et d’orthographe :
– Si isolé : bilan orthophonique et rééducation si nécessaire
– S’il existe un trouble associé (langage oral, praxies, calcul) : évaluation pluridisciplinaire
changements de position, après une stimulation de l’adulte.
3 Le tonus passif correspond à la sensation de résistance quand l’adulte fait bouger un membre de l’enfant. Le tonus actif correspond à la réponse sous la volonté de l’enfant.
4 La mesure du tour de tête systématiquement contrôlé par le médecin lors des visites, reflétant la croissance du cerveau
5 Enfant qui louche en dehors
6 Enfant qui louche en dedans
7 L’un des stades du langage où le bébé produit des sons répétés comprenant le son /a/ : baba mama dada

– LES TROUBLES SPÉCIFIQUES DU CALCUL (DYSCALCULIE)

La dyscalculie est un trouble dans le développement des capacités en calcul pouvant toucher la maîtrise du nombre (compter), la capacité à évaluer des grandeurs ou comparer des nombres, à réaliser des opérations, à résoudre des problèmes, chez un enfant d’intelligence normale. Les difficultés sont en fait le plus souvent intriquées avec d’autres troubles touchant le langage oral ou écrit, l’organisation dans l’espace et les capacités d’attention. Selon les estimations actuelles, la dyscalculie peut affecter entre 3,6 et 7,7 % des enfants[5].

La formation des pédiatres aussi bien sur le développement de l’enfant, sur les troubles de développement du langage et de la motricité, ou sur les troubles spécifiques des apprentissages s’appuie sur des séminaires de formation organisés par l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire, avec le soutien d’experts, permettant aux pédiatres libéraux d’acquérir et d’approfondir les examens spécifiques aux âges clés de l’enfant, de savoir utiliser les outils spécifiques d’évaluation, et de maîtriser les indications de prise en charge en fonction des situations.

Depuis 15 ans, plus de 1600 médecins ont ainsi bénéficié de formation organisée par l’AFPA sur ces différents thèmes, certains d’entre eux ayant approfondi leurs pratiques par plusieurs formations. De nombreux pédiatres libéraux ont également acquis une expertise supplémentaire dans le cadre de diplômes universitaires.

Sources :
[1] ONDPS, « Prise en charge de la santé de l’enfant : synthèse des travaux de la commission » (mars 2013)
[2] Haut Conseil de la Santé Publique
[3] Lecendreux M., Konofal E., Faraone S.V. Prevalence of Attention Deficit Hyperactivity Disorder and Associated Features among Children in France. J. Atten. Disord. 2011, 15 : 516‑24.
[4] Sprenger-Charolles L, Cole P, Lacert P, Serniclaes W. On subtypes of developmental dyslexia: Evidence from processing time and accuracy scores. Can J Exp Psychol 2000, 54 : 87-104.
Watier L, Dellatolas G, Chevrie-Muller C. Difficultés de langage et de comportement à 3 ans et demi et retard en lecture au CE1 : une étude longitudinale sur 693 enfants. Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique, 2006, 54 : 327-339
Zorman M, Lequette C, Pouget G. Dyslexies : intérêt d’un dépistage et d’une prise en charge précoce à l’école. Évaluation du BSEDS 5-6. In : Développement cognitif et troubles des apprentissages. Metz-Lutz M.N., Demont E, Seegmuller C, De Agostini M, Bruneau N (eds). Solal, Marseille, 2004 : 245-270
[5] Expertise collective, « Dyslexie, Dysorthographie, Dyscalculie. Bilan des données scientifiques », INSERM, (2007)

À propos de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) L’AFPA est une association nationale regroupant plus de 1 500 pédiatres ayant un mode d’exercice à prédominance libérale (cabinets de ville et maternités privées). Bon nombre d’entre eux exercent aussi une activité publique hospitalière ou communautaire (crèches, Protection Maternelle Infantile -PMI-, maisons et établissements d’enfants à caractère sanitaire -MECS-, structures de prise en charge des handicaps, médecine scolaire, etc.). Ses différentes missions visent à développer les actions de formation continue, à élaborer une réflexion sur les programmes et les moyens de cette formation, à promouvoir la recherche médicale dans le domaine de la pédiatrie ambulatoire, et à réaliser des actions et des programmes de pédiatrie humanitaire. En recherche, les pédiatres de l’AFPA sont impliqués dans des protocoles portant sur l’élaboration des examens systématiques, la création ou l’étalonnage outils de bilan, l’évaluation de la dépression du nourrisson, de la latéralité… Elle est intégrée au Conseil National Professionnel de Pédiatrie (CNPP) à côté de la Société Française de Pédiatrie (SFP) et des syndicats de pédiatres. Elle entretient d’étroites relations avec les sociétés homologues européennes au sein de l’ECPCP (European Confederation of Primary Care Pediatricians) et nord-africaines. Elle est reconnue par le Ministère de la Santé, la HAS (Haute Autorité de Santé) et la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie), qui sollicitent ses experts sur les thématiques de la pédiatrie en ville. Dans les domaines de la promotion de la santé et de la prévention, il est important de souligner la forte implication de l’AFPA dans les différents plans santé nationaux comme le PNNS (Programme National Nutrition Santé) et sa collaboration active avec l’INPES (Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé). Enfin, l’AFPA intervient également dans la formation des pédiatres comme maîtres de stage permettant d’accueillir des internes de pédiatrie en formulation dans les cabinets libéraux. Sa présidente est le Dr Nathalie Gelbert. Sites Internet : www.afpa.org – www.mpedia.fr

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